Le festival d’Arras
Arras Film Festival : 23 ème édition
du 4 au 13 novembre 2022
L’Arras Film Festival depuis ses débuts fait le pari d’une programmation diversifiée.
Au choix :
Des films tout public, de qualité, présentés en avant-première avec leurs équipes : celles d’Annie Colère, 16 ans, La Grande Magie, Les Miens, Nos Frangins, Les Suvivants, Pour la France etc…, l’occasion d’échanges riches et animés avec des spectateurs qui ont pris l’habitude de rester après les projections.
Le festival pour les enfants qui plaît aussi aux adultes. Dès 18 mois, des séances spéciales.
Pour tous publics également: des ciné-concerts et des rétrospectives :
· l’une consacrée à une invitée d’honneur : la grande actrice-réalisatrice, Valérie Donzelli
· l’autre, historique, intitulée : Victoria, une reine, un empire, (le meilleur comme le pire, guerres, colonisation de cette période) dont de nombreux lycéens de la région ont pu profiter
D’un bon niveau, 15 films de la sélection,
15 films dans la catégorie Découvertes européennes : Parmi celles-ci : Godland* de l’Islandais Palmason. The Quiet Girl, film irlandais de Colm Bairead, finement réalisé et interprété, le film franco-belge Dalva, sur un thème inédit, impressionnant par sa mise en scène subtile et l’interprétation de sa jeune actrice.
Dans Les Cinémas du Monde, dépaysement garanti avec des personnages singuliers, des cultures et modes de vie peu montrés au cinéma : Joyland,* un premier film pakistanais primé à Venise, de Saim Sadiq, Mais aussi révèlation de situations violentes et arbitraires, La famille Asada*, qui met en joie autant qu’il émeut et donne à réfléchir, du cinéaste japonais Ryota Nakano, Houria, (nouveau film après Papicha) de Mounia Meddour : après la projection, l’émotion dans le public était palpable et s’est exprimée à travers un dialogue avec la réalisatrice et l’une des actrices, Nadia Kaci. Les questions ont porté sur le travail des comédiennes avant le tournage et sur le choix de ce scénario qui s’inscrit dans l’Algérie actuelle. Le film évoque un avenir toujours problématique, celui des filles et des femmes algériennes qui, après un traumatisme (vécu de nos jours ou bien avant, lors de la décennie noire) ne parlent plus et trouvent dans une initiation à la danse une forme de thérapie.
L’Europe de l’Est : une spécificité de l’Arras Film Festival
Les spectateurs ont ainsi l’opportunité de découvrir des cinématographies moins visibles, en particulier dans les villes moyennes. La 23 ème édition a été en ce sens riche en évènements :
L’anniversaire des 70 ans de Positif avec une rétrospective des films de cinéastes de pays de l’Est (ou exilés) défendus dans la revue de 1958 à 2017 : Andrzej Wajda, Dusan Makasejev, Lucian Pintilie, Emir Kusturica, Krzysztof Kieslowski, Cristian Mungiu, Ildeko Enyedi.
Visions de l’Est : des films actuels venant parfois de tous petits pays comme le Montenegro, ou la Slovénie. Mais aussi des films classiques restaurés tel que Nous étions jeunes*, un film de 1962 aux accents lyriques que met en scène avec virtuosité la première femme cinéaste bulgare, Binka Zhelyazkova. Où il est question d’amour et de résistance à Sofia, occupé par les nazis. Film que la République socialiste bulgare interdira.
* films défendus par Cinémanie et programmés au CGR d’Auxerre
La Compétition Européenne a conquis au fil des années de plus en plus de spectateurs : Pendant les 4 derniers jours du festival, ils ont pu voir 9 films, non encore distribués en France et participer, en votant, à l’attribution du Prix du Public : Le gagnant 2022 est un film belge de Peter Monsaert, Nowhere, la rencontre entre un ancien conducteur de camions qui vit de petits travaux de rénovation dans une zone industrielle dévastée et Thierry, un ado sans-abris qu’il attrape en plein cambriolage. Une amitié naît entre les deux hommes qui les conduira loin au propre comme au figuré. Une histoire bouleversante ouverte sur l’espoir.
La compétition prévoit l’attribution de 4 autres prix.
le Jury Atlas désigne 1) le lauréat du Grand prix, l’Atlas d’or
2) celui du Prix de la mise en scène, l’Atlas d’argent
Ce jury a eu pour président, le réalisateur Thomas Lilti , et à ses côtés : les comédiennes India Hair et Alix Poisson, l’acteur Finnegan Oldfield et le producteur Patrick Sobelman. Ils ont décerné l‘Atlas d’or à Men of Deeds de Paul Negoescu. La corruption, un village où le maire, le curé et bien des habitants se livrent à des activités illicites et s’il le faut criminelles, autant de thèmes récurrents que le cinéaste roumain renouvelle par le choix de son anti-héros, un chef de police totalement atypique,
et par une mise en scène habile des situations absurdes ou spectaculaires.
Noémi Veronika Szakonyi (Hongrie) reçoit, quant à elle, deux prix : d’une part l’Atlas d’argent, d’autre part, le Prix Regards jeunes pour Six Weeks : L‘histoire bien menée d’une adolescente enceinte, rebelle, qui veut aussi poursuivre ses études et participer à des championnats de tennis de table. Une solution se présente à elle : l’adoption. Quel sera son choix ?
Le Prix de la Critique présidé par Alain Masson a choisi de récompenser Il Boemo (République tchèque / Italie) de Petr Vaclav , le film raconte la réussite et la carrière de l’une des figures les plus importantes de la musique classique, Josef Mysliveček, contemporain de Mozart au XVIIIème siècle.
Les autres films de la compétition, quoique non primés, ont suscité aussi notre intérêt souvent par l’originalité du scénario et/ ou par la manière de nous surprendre.
Il en est ainsi du film de la réalisatrice macédonienne Teona Strugar Mitevska, L’Homme le plus heureux du monde dont la sortie en salle est d’ailleurs prévue le 22 février. Un film étonnant en rapport avec le passé de la guerre en ex-Yougoslavie. Légèreté et gravité ou comment une journée de speed-dating à Sarajevo devient l’occasion de faire ressurgir les traumatismes d’une guerre où l’ennemi était son voisin. Citons encore : Luxembourg, Luxembourg, l’improbable road movie de deux jumeaux ukrainiens partis à la recherche de leur père au Luxembourg. Working class heroes, une comédie très noire du cinéaste serbe, Milos Pusic, dans le mileu des chantiers de construction sur fond de lutte des classes, avec des personnages remarquablement écrits et interprétés.Un dernier encore, Wolka, un récit dramatique qui tient en haleine, de la Pologne à l’Islande.
Le public, cinéphile ou non, cette année encore, a répondu présent aux journées effervescentes du festival d’Arras et à la compétition européenne grâce à une sélection de qualité, et à des rendez-vous passionnants avec les intervenants ou les équipes de films .
Brigitte Hellequin